Prenant part personnellement au deuxième sommet Afrique-Russie, ouvert ce jeudi 27 juillet à Saint-Pétersbourg, le chef de l’État reste fidèle à sa ligne depuis l’invasion de l’Ukraine : maintenir en toute souveraineté un contact positif avec le maître du Kremlin. Sans manquer de mettre les points sur les i s’il le faut. Macky Sall a rencontré Vladimir Poutine à trois reprises depuis l’éclatement de la crise ukrainienne, en février 2022. Avant le deuxième sommet Afrique-Russie auquel il prend part depuis ce jeudi 27 juillet à Saint-Pétersbourg, le chef de l’État a rendu visite à son homologue russe deux fois. D’abord, le 3 juin 2022 à Sotchi, dans ses habits de président en exercice de l’Union africaine (UA), jalon de l’accord sur les céréales qui interviendra plus tard. Puis, le 17 juin dernier pour le compte d’une médiation africaine. Cela place le président de la République parmi les rares dirigeants de la planète qui, dans ce contexte de quasi-bipolarisation du monde, discutent à la fois avec la Russie, l’Ukraine et les Occidentaux. Parallèlement à son dialogue avec la Russie, en effet, Macky Sall, dans le cadre de son mandat à l’UA et à la fin de celui-ci, a toujours plaidé avec la même intensité pour la fin du conflit ukrainien. Il l’a fait à la tribune des Nations unies, au G20, à Paris, avec son homologue français, Emmanuel Macron, ainsi qu’à Kiev avec le Président Volodymyr Zelensky. Chaque fois il ne cesse de marteler que cette position d’équilibre (équilibriste pour ses détracteurs), adoptée par plusieurs de ses pairs africains, était la meilleure pour aboutir à la paix et pour les intérêts de l’Afrique dont plusieurs pays dépendent des céréales ukrainiennes et des engrais russes. Sans compter qu’ils entretiennent des liens étroits avec Moscou depuis l’époque des luttes pour la décolonisation du continent. Photo de famille ? «Non, merci» Macky Sall a remis le couvert ce vendredi en prenant la parole au deuxième jour du sommet Russie-Afrique. «Les relations politiques russo-africaines sont excellentes. Je m’en félicite», a-t-il clamé. Cela ne lui a pas empêché de glisser quelques vérités à Vladimir Poutine. L’acte le plus éloquent en ce sens, en tout cas le plus visible, est son refus de figurer sur la photo de famille du sommet aux côtés des chefs des juntes au pouvoir au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Soudan, des pays sous sanctions de l’UA. Les Présidents du Congo, Denis Sassou Nguesso, de la Guinée-Bissau, Umaro Embalo, et des Comores, Azali Assoumani, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine, ont adopté la même position en boycottant la photo. Auparavant, Macky Sall a fait savoir à Vladimir Poutine que, malgré l’excellence de leurs relations politiques, l’Afrique et la Russie ont «encore des efforts à faire pour donner un contenu plus consistant à notre coopération économique». Son argument : «Le potentiel de notre partenariat est énorme : l’Afrique, c’est 30 millions de Km2, plus d’un milliard trois cents millions d’habitants. La Russie, c’est plus de 17 millions de km2 et plus de 144 millions d’habitants. Ensemble, notre continent et votre pays constituent un géant démographique et disposent de l’essentiel des ressources naturelles de la planète. Nous avons donc de quoi coopérer dans quasiment tous les domaines : agriculture et agroalimentaire, infrastructures, hydrocarbures, mines, transport, industrie et TIC pour ne citer que quelques secteurs.» La désescalade d’abord Dans cette perspective, le chef de l’État plaide pour «des mécanismes adéquats et pragmatiques d’investissement, de financement et de partenariat pour transformer (le) potentiel (des deux partenaires) en actes et réaliser une prospérité partagée». Mais, Macky Sall a suggéré que l’urgence est en ce moment ailleurs. Il a invité Vladimir Poutine à reconduire l’accord sur les produits agricoles. Non sans préciser qu’en lançant cet appel, par sa voix, l’Afrique n’est pas en train de tendre la main. Le chef de l’État a précisé : «Dans l’immédiat un des soucis majeurs de l’Afrique, c’est la paix et la sécurité à l’échelle continentale et mondiale. Nous souhaitons la désescalade pour aider à l’accalmie et à la restauration du libre commerce des céréales et des fertilisants. Dans le même sens, je voudrais renouveler mon appel pour la reconduction de l’Accord sur l’initiative céréalière de la Mer noire et la levée des entraves au commerce de l’engrais.» Sur ce point, il a conclu : «C’est à ces deux conditions que l’Afrique pourrait éviter une crise alimentaire majeur, aplors même qu’elle continue de subir de plein fouet les effets néfastes de la pandémie.»