Le débat enfle dans les rangs de NON !, le retrait de la candidature de Rose WARDINI n’emporte ni le report, ni l’annulation de l’élection présidentielle.
L’‘’Affaire Wardini’’ et l’annonce, ce lundi 19 février 2024, du retrait de sa candidature sont au cœur de débats passionnants et parfois même passionnels.
Pour certains, tout cela entrainerait dans son sillage l’annulation pure et simple de tout le processus électoral. La conséquence évidente serait pour eux, à la faveur du dialogue national annoncé par le Président Macky SALL, la tenue d’un nouveau scrutin. Pour étayer leur thèse, ils s’appuient sur certains aspects du Considérant 18 de la Décision n° 1/C/2024 du 15 février rendue par six (6) des sept (7) membres du Conseil constitutionnel. « 18. Considérant que les requérants soutiennent (c’est nous qui soulignons) que l’article 34 de la Constitution ne prévoit le report du scrutin qu’en cas de décès, d’empêchement définitif ou de retrait d’un candidat, … ».
Deux éléments peuvent être relevés, ici. D’une part, premier élément, la convocation des dispositions de l’article 34 est le fait des requérants et non du Conseil constitutionnel. Ce sont, en effet, les 57 députés, auteurs des requêtes, sous la houlette de Ayib Salim DAFFE, Samba DANG et Babacar MBAYE, qui dans leur volonté de voir le Conseil constitutionnel ordonner la poursuite du processus vont s’adosser sur ledit article 34. Á l’analyse, il semble que les députés de l’opposition se soient mépris sur le véritable article 34. Dans sa rédaction initiale issue de la Constitution de 2001, l’article 34, alinéa 1, de la Constitution se lit comme suit : « En cas de décès, d’empêchement définitif ou de retrait d’un des candidats entre l’arrêt de publication de la liste des candidats et le premier tour, l’organisation de l’élection est entièrement reprise avec une nouvelle liste de candidats… (c’est nous qui soulignons) ».
Conscient des limites et des conséquences dommageables d’une telle rédaction, le pouvoir constituant dérivé (celui chargé de réviser la Constitution, l’Assemblée nationale) va s’empresser de corriger cette dangereuse brèche ouverte. L’exposé des motifs de la Loi constitutionnelle n° 2007-19 du 19 février 2007 modifiant l’article 34 de la Constitution en livre toute la mesure. Son deuxiéme paragraphe est saisissant : « Une interprétation littérale de ces dispositions pourrait conduire au blocage des institutions. Par exemple, un parti ou un groupe de partis, mal intentionné, pourrait, par le jeu des candidatures et des retraits de candidatures empêcher définitivement la tenue du scrutin ».
En sa séance du mercredi 07 février 2007, L’Assemblée nationale, à la majorité des 3/5e des membres la composant, procédera à l’annulation et au remplacement des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 34 de la Constitution du 22 janvier 2001. La rédaction issue de cette loi constitutionnelle donnera la nouvelle version, toujours en vigueur, suivante : « En cas d’empêchement définitif ou de retrait d’un des candidats entre l’arrêt de publication de la liste des candidats et le premier tour, l’élection est poursuivie avec les autres candidats en lice. Le Conseil constitutionnel modifie en conséquence la liste des candidats. La date du scrutin est maintenue (c’est nous qui soulignons).
Á y regarder de près, le droit positif sénégalais, n’admet le dépôt de nouvelles candidatures et le report de l’élection à une date nouvelle que lorsque se déploient les modalités envisagées par l’article 29 issu de la révision constitutionnelle de 2018 (Loi constitutionnelle n° 2018 du 11 mai 2018 portant révision de la Constitution). La lecture combinée de ses alinéas 2 et 3 est éloquente. En son alinéa 2, l’article 29 dispose : « Toutefois, en cas de décès d’un candidat, le dépôt de nouvelles candidatures est possible à tout moment et jusqu’à la veille du scrutin ». « Dans ce cas, les élections sont reportées à une nouvelle date par le Conseil constitutionnel », renchérit-il, immédiatement, en son alinéa 3.
D’autre part, second élément, le Conseil constitutionnel a été peu contraignant relativement à l’évocation de cet article 34 abrogé et remplacé depuis 2007. À notre avis, il aurait dû soulever d’office cette erreur pour la corriger dans la droite ligne de son contrôle. Il y va de la garantie et de la cohérence de la Constitution dont il est le gardien et l’interprète authentique. En décidant sur la base de ce moyen invoqué par les députés, au soutien de leurs requêtes, il entretient une certaine confusion des genres. Le débat suscité par la décision de Mme Wardini de se retirer de la compétition électorale permet d’en mesurer l’amplitude. Certains candidats recalés et leurs souteneurs s’y agrippent comme une bouée de sauvetage. Étant le dernier rempart, la sentinelle, le garde-fou de l’autorité de notre Charte fondamentale de telles imperfections devraient être réduites à leur plus simple expression. Il y va de la crédibilité de son office.
Le raffermissement de l’esprit et la lettre de la Constitution, de la loi organique relative au Conseil constitutionnel, du principe de sécurité juridique et de la stabilité des institutions, moult fois proclamés par les sept Sages, sont à ce prix-là !
Á la lumière de ces considérations, le retrait de la candidature de Rose WARDINI, n’emporte aucune conséquence sur la poursuite du processus électoral. Elle ne saurait, dès lors, l’anéantir. C’est le rappel fait par le Conseil constitutionnel à travers le Considérant 20 de sa Décision du 15 février 2024. Ce dernier, après avoir constaté ‘’l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle’’ a, courtoisement mais fermement, ‘’invité les autorités compétentes’’, principalement le Président de la République, à ‘’la tenir dans les meilleurs délais’’.
Fait à Bargny, le 19 février 2024
Par Ameth NDIAYE
Maitre de Conférences Titulaire (CAMES)
Responsable des Masters I et II (Droit et Administration des Collectivités Territoriales/DACT/UCAD)