Loi de finances rectificative : Deux annonces de Cheikh Diba risquent d’enfoncer l’économie sénégalaise

Dans un entretien paru ce lundi dans L’Observateur, Mouhamadou Madana Kane, ancien directeur général de la Banque islamique du Sénégal (BIS), met en garde contre une application, sans mesure d’encadrement, de deux mesures annoncées dans la Loi de finances rectificative (LFR) adoptée samedi par l’Assemblée nationale.

La première : le gouvernement prévoit un budget de 500 milliards de francs CFA pour apurer les arriérés de paiement dus aux acteurs économiques, principalement ceux du secteur des BTP. «Autant la démarche est à saluer, autant je crains que ces paiements ne produisent pas les effets escomptés, si on ne s’assure pas en amont que les fonds reçus par les acteurs soient effectivement réinvestis dans l’économie», objecte l’économiste.
L’ancien patron de la BIS redoute précisément que «la situation de blocage [du secteur] des quinze derniers mois n’entraîne une frilosité des acteurs économiques qui, au lieu de réinvestir, pourraient être davantage tentés par l’épargne». «Si cette situation devait se produire, alerte Mouhamadou Madana Kane, les prévisions de croissance risquent de ne pas se réaliser, alors même que le paiement des arriérés a pour principal objectif de relancer l’économie».
Pour parer à un tel risque, le banquier appelle le gouvernement à adopter «des mesures d’accompagnement à travers un plan opérationnel de restauration de la confiance des acteurs et d’incitation à l’investissement».
La seconde prévision à risque : par rapport à la Loi de finances initiale (LFI), les besoins de financement pour 2025 ont bondi de 1141 milliards de francs CFA. «Cette augmentation intervient dans un contexte de révision à la baisse des prévisions de recettes, notamment fiscales, et induit donc un recours plus important à la dette, constate Mouhamadou Madana Kane. Le gouvernement semble maintenir son option de privilégier le marché financier sous-régional […], à cause principalement des difficultés d’emprunt à l’international consécutives à l’abaissement de la notation souveraine du pays.»
L’ancien directeur général de la BIS de poursuivre : «Dans ce contexte, nous ne sommes pas à l’abri d’un choc qui pourrait résulter du fait que les investisseurs institutionnels (banques, sociétés d’assurance, etc.), dans un souci de gérer le risque de concentration pays, pourraient être amenés, à un moment donné, à réduire leur appétence sur les titres ‘État du Sénégal’. Si cette situation devait se produire, nous pourrions facilement passer de la situation de ‘précarité budgétaire et financière’ évoquée par le ministre des Finances à une situation d’incapacité budgétaire et financière.»
Pour éviter une telle situation, l’économiste préconise «la mise en place d’un plan alternatif de financement en dehors du marché financier sous-régional, mais également d’un plan de financement d’urgence».

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